Afghanistan: et si les dollars servaient l’éducation plutôt que la guerre ?

Par l’intermédiaire de Clément, nous avons eu l’opportunité il y a quelques semaines d’échanger avec le déploiement pilote du projet OLPC en Afghanistan. Ce billet présente le contexte de ce déploiement.

L’Afghanistan présente les syndromes malheureux d’un système éducatif en ruine. Sujet à une instabilité chronique depuis près d’un siècle et durablement marquée par des conflits longs et destructeurs (invasion soviétique 1978-1992, guerre civile 1992-1996, opération de l’OTAN à partir de 2001), l’Afghanistan n’a pas eu le temps de se relever dans l’intermède qui a précédé la mise en place d’un régime fondamentaliste entre 1996 et 2001 : le régime taliban. L’éducation des enfants n’a pas été une priorité de ce régime, que cela soit pour les garçons et surtout les filles dont l’accès leur a été interdit.

Le constat pourrait être qualifié d’alarmiste. Aujourd’hui, seulement 52% des enfants afghans en âge d’aller à l’école primaire sont scolarisés. Le manque d’établissements en milieu rural mais aussi d’enseignants exclue de fait un nombre trop important d’enfants. Quand ils ont la chance d’accéder à l’éducation, les conditions d’enseignements sont insuffisantes.

  • 50% des garçons ne vont pas à l’école
  • 75% des filles ne vont pas à l’école
  • 25% des enseignants sont analphabètes

Les faibles moyens dédiés à l’enseignement obligent certains établissements à faire se succéder trois sessions différentes dans une même journée. Le temps passé à étudier à l’école se limite à 2h30 par jour. L’inexistence d’un programme national n’empêche pas les disparités entre les régions tandis que l’illettrisme des enseignants (qui touche 25% d’entre eux) et leur faible implication ne permet pas de fournir le soutien dont les enfants ont besoin, en particulier à ceux qui connaissent des difficultés d’apprentissage.

Il va sans dire que l’Afghanistan dispose d’un système éducatif largement en dessous des moyennes des pays de l’OCDE, qui se reflète dans un niveau d’alphabétisation particulièrement bas (36%). Le temps passé à l’école est faible tandis que le soutien habituellement prodigué par les enseignants aux enfants est inexistant. Enfin, le manque de contenus éducatifs est criant. Les écoles et les bibliothèques n’ont pas de moyens suffisants pour acquérir ces contenus et assurer leur conservation.

Le projet OLPC travaille actuellement à offrir une réponse adéquate aux difficultés que connaît le système éducatif afghan. Après plusieurs déploiements, ciblés dans des écoles rurales (3000 XOs déjà déployés, voir photos d’illustration), la fondation OLPC et son antenne locale OLPC Afghanistan planifient un déploiement d’envergure (environ 10 000 XO) afin de de vérifier les résultats positifs obtenus à l’échelle locale.

Plusieurs éléments font du XO un outil éducatif en mesure d’améliorer l’accès à l’éducation des jeunes afghans. Comme chaque enfant possède un ordinateur (qu’il remporte chez lui après l’école, selon le principe de saturation), un élève moyen sera capable de continuer son enseignement chez lui et ainsi d’accomplir les objectifs du programme scolaire. Cela compensera des journées de classe réduites et rendra l’élève plus autonome.

Même si l’enfant complète son apprentissage de manière autonome grâce au XO, il renforce le rôle de l’enseignant qui pourra fournir des évaluations et du soutien de manière régulière. En plus de cette aide personnalisée, le recueil de telles données va favoriser l’émergence d’un système d’évaluation standardisé et scientifique, un des facteurs permettant l’élaboration d’un système éducatif moderne.

Le XO permet aussi un accès à des contenus riches et localisés (contrairement à la plupart des outils informatiques commerciaux qui ne sont pas traduits en afghans). La liberté d’accès aux contenus numériques facilite le prêt et l’échange entre élèves, partageant ainsi leurs découvertes au sein d’une classe ou d’un groupe. Constamment mis à jour, ces contenus ne seront jamais dépassés. Financièrement, le coût joue en faveur du numérique. Développer des contenus évolutifs et interactifs revient, à volume égal, à acquérir et entretenir ces mêmes documents en version papier, seulement sur une période de 3 ans. Enfin, la variété des contenus conçus pour le XO permet un éveil constant du jeune étudiant, renforçant ainsi ses compétences en littérature, langues ou sciences.

Au-delà de la fracture entre les enfants des villes et de ceux vivant en milieu rural, l’Afghanistan souffre aussi d’une grande disparité entre les deux sexes. L’accès à l’éducation pour les jeunes filles est très limité. Le projet OLPC est une chance unique de permettre aux jeunes filles de suivre les mêmes enseignements que les garçons. En effet, les coutumes conservatrices poussent les filles à rester dans le domicile familial ou à vivre ensemble dans des communautés fermées. L’intégration du XO permettrait aussi de compenser le déficit de femmes enseignantes en donnant un accès à des contenus interactifs et permettant à plusieurs établissements de filles de communiquer entre eux. Ainsi, les moyens d’enseignements seraient mutualisés, et les élèves de plusieurs établissements en mesure d’échanger entre eux. De partager, d’apprendre, de créer.

L’Afghanistan est l’exemple type de l’aide que peut apporter le projet OLPC au développement d’un système éducatif moderne, base de la reconstruction d’un pays meurtri par des décennies de troubles. Ces changements devront être pensés sur le long terme mais l’apport d’un outil éducatif comme le XO, qui permet un accès à des enseignements variés et qui offre la possibilité d’augmenter le temps passé par un enfant à étudier, est sûrement à ce jour la meilleure opportunité pour le ministère afghan de l’Education.

D’ailleurs, les moyens à engager pour organiser un déploiement d’envergure en Afghanistan ne seraient pas démesurés. Aujourd’hui, les forces internationales dépensent 2 milliards de dollars par semaine tandis que seulement 2 millions de dollars par semaine sont alloués à la reconstruction du système éducatif afghan. Une plus grande considération des budgets alloués à l’éducation permettrait de développer un projet éducatif à la hauteur des besoins de l’Afghanistan, en se basant sur le projet OLPC et ses valeurs. Il s’agirait juste d’utiliser les enfants comme l’outil de changement, au lieu des armes.