Des chercheurs sri-lankais de l’University of Colombo School of Computing (UCSC) et un chercheur visiteur au Department of Computer and Systems Sciences (DSV) de l’Université de Stockholm ont mené une évaluation indépendante d’un déploiement OLPC au Sri Lanka. Cette évaluation n’est pas financée par les autorités qui gèrent directement le projet : le Ministère de l’Education et la Banque mondiale.
Le projet OLPC au Sri Lanka
Le projet consiste à déployer 1000 ordinateurs XO équipés de l’interface Sugar dans 13 écoles primaires rurales. Il s’articule en plusieurs composantes.
- L’adaptation de l’interface Sugar aux langues cinghalaise et tamoule
- Le développement des activités d’apprentissage comme des jeux interactifs sur la base du programme d’enseignement primaire
- La formation des enseignants pour intégrer le XO dans les activités en classe
- L’établissement d’une communauté de soutien pour les enseignants et les étudiants
- La mise en place d’un environnement d’apprentissage collaboratif de la classe ouvert sur le monde
Tant dans ses objectifs que dans ses résultats, ce déploiement ressemble beaucoup à ce qui se fait à Nosy Komba.
Après une revue de littérature et des sempiternelles discussions sur l’impact des projets OLPC, les auteurs remarquent que les ressources humaines et financières n’ont pas toujours été prévues pour la maintenance dans de nombreux déploiements de part le monde. Une telle situation est très fréquente dans les projets de développement : les bailleurs sont prêts à investir dans une dotation en capital physique ou humain, mais considèrent que c’est aux gouvernements ou aux bénéficiaires des projets de s’organiser pour maintenir le dispositif en état.
Plus spécifiquement, on note qu’il n’y a généralement pas de programme de réparation des machines. Sur ces deux aspects, on notera les mesures prise par OLPC France sur la formation des volontaires à la réparation des machines à travers ateliers et vidéos, de même qu’une planification précise des besoins financiers du déploiement.
Méthode d’évaluation
Pour l’évaluation, les écoles ont été séparées en groupes selon leur environnement socio-économique et une école est choisie dans chacun des groupes pour une analyse en profondeur. Des écoles témoins (sans XO) ayant des caractéristiques proches de celles dotées en XO ont été sélectionnées. Des collectes des données ont été effectuées avant la distribution (pré test) et après la distribution (post test). Il s’agit donc d’une évaluation d’impact de type randomisée (avec appariement des écoles) mais sur très peu d’écoles au final.
L’évaluation a portée sur la participation et l’implication des élèves en classe, la créativité et l’exploration et les compétences en écriture, mathématiques et arts. La collecte des informations s’est faite à travers des observations directes, des interviews et des sources administratives (registres). De plus, les journaux (log) XO des élèves ont été utilisés, ce qu’OLPC France a commencé à faire également.
Cette évaluation a été menée par des personnes qui ne sont pas liées aux institutions implémentant le projet. Il s’agit d’une évaluation formative visant un retour d’expérience plus que d’une évaluation sommative mesurant par exemple les résultats finaux d’un projet.
Quels sont les résultats de l’évaluation ?
En termes de distribution, les élections de 2008/2009 ont retardé la livraison des machines. Les enfants ont reçu les machines plusieurs mois après l’inauguration du projet en grande pompe. Certains n’en n’ont pas reçu du tout et la saturation n’a pas pu être atteinte dans les écoles (ce qui soit dit en passant peut être utilisée pour comparer les résultats des enfants avec et sans XO dans une même classe).
Comme toujours, le problème d’électricité s’est posé ainsi que celui du fonctionnement de certaines batteries et du câble. Les auteurs recommandent d’avoir une personne dans l’école apte à effectuer les réparations qui s’imposent.
Comme à Nosy Komba, l’usage du XO a été fait en dehors des heures officielles. Les auteurs ont pu tracer la courbe d’utilisation des XO, qui s’avère l’élément novateur de leur étude : lors des deux premiers trimestres de la 1ère année, il est pour eux prématuré de laisser les XO aux enfants qui ont des difficultés à les transporter chez eux. La courbe suivant montre que l’usage des XO atteint un pic en fin de 4ème année avant de chuter brutalement. Cela peut être du au fait que la 5ème année est la fin du 1er cycle du primaire sanctionné par un examen, qui devient une priorité pour les élèves et les enseignants.
Schéma d’utilisation du XO au cours de la scolarité
Recommandations opérationnelles
Les auteurs suggèrent d’introduire d’autres types d’équipements informatiques à partir de la 5ème année sans préciser lesquels.
Pour faire face au faible rendement des toutes premières formations des enseignants, le Ministère de l’Education a initié le développement de jeux interactifs basés sur les programmes officiels. Ce qui n’est pas sans rappeler l’usage de l’activité Memory à Nosy Komba. Il faut promouvoir l’usage du XO car passés les premiers mois, qui correspondent à la découverte d’un univers, l’intérêt des enfants décroit. Les auteurs recommandent de raccorder l’école à un réseau informatique pour permettre la formation continue des enseignants, ce qui s’est fait à Nosy Komba.
Les auteurs saluent l’initiative du Ministère de l’Education de développer des outils pédagogiques libres pouvant servir sur des environnements de travail variés (open source). Sans mise à jour régulière des contenus (flashage), les logiciels n’évoluent pas avec le cursus scolaire mais il est possible de charger les manuels scolaires ou textes sur les XO. A Nosy Komba, pour l’instant des livres en malagasy ont été installés sur les XO.
Chaque nouvelle année scolaire, il faut mettre à jour les contenus afin de maintenir l’intérêt des élèves. Une solution est d’impliquer les enseignants et les élèves dans le développement des activités, bien que ce ne soit pas facile dans la pratique. Il est possible de faire un tableau donnant pour chaque activité Sugar le niveau de difficulté et l’année scolaire la mieux indiquée.
Afin de faciliter l’élaboration de contenus et le retour d’expérience, la mise en place de réseaux Mesh ou Internet est une voie à privilégier. Une telle configuration permet aussi la mise en ligne des travaux des élèves, la résolution de problèmes rencontrés par les enseignants et la production d’informations statistiques sur les usages des XO, ce qu’OLPC France fait avec le back up des journaux des élèves à travers le school serveur. Une bibliothèque numérique disponible en ligne a été créée au Sri Lanka.
Ainsi, le projet OLPC Sri Lanka a été adapté, customisé au contexte local au fur et à mesure. Plutôt que de réaliser une évaluation bête et méchante visant à produire un jugement définitif sur OLPC, vu comme un tout, les auteurs ont tâché de mettre à disposition leurs compétences pour améliorer le projet. Cela n’est pas sans rappeler ce qui se fait à Nosy Komba également, de manière informelle. De plus, au Sri Lanka, des développements positifs ont été observés dans les connaissances, les compétences et les attitudes des élèves.
Cette évaluation n’est pas un instrument de pouvoir mais davantage un processus collectif d’apprentissage parfaitement naturel, appuyé par des outils scientifiques. Des évaluations « comme on aimerait en voir plus souvent ».
Plus d’informations, consultez cette infographie, cette présentation et le papier complet en anglais.
Traduction et synthèse à partir de : K. P. Hewagamage, H.M.S.J.Meewellewa, , G.K.Munasinghe, ,H.A.Wickramarachi (2011), Role of OLPC to Empower ICT Adaptation in the Primary Education, Education in a technological world: communicating current and emerging research and technological efforts, A. Méndez-Vilas (Ed.) ©FORMATEX 2011