En novembre 2009, OLPC Europe a invité OLPC France à la conférence TEDx Brussel où Nicholas Negroponte était venu parler d’OLPC (voir la vidéo). En plus de cette journée magnifique, nous avons eu la chance de rencontrer Nicholas Negroponte qui nous a accordé cet entretien. OLPC France est composée de volontaires : c’est donc à ce sujet que nous l’avons interrogé – j’espère que tous les volontaires du monde apprécieront cet échange !
Bastien Guerry: Le premier G1G1 a été déterminant dans la constitution d’une large communauté de volontaires pour le projet OLPC aux Etats-Unis. Depuis, cette communauté n’a cessé de grandir et de nombreuses communautés locales (ou « grassroots ») ont vu le jour partout dans le monde. Comment OLPC travaille avec ces volontaires ?
Nicholas Negroponte: Les volontaires se répartissent en trois catégories : les développeurs, ceux qui participent aux déploiements, et ceux qui aident à titre professionnel.
L’open source est un élément clé du projet OLPC. Même si le XO permet le double boot Windows et Linux, seuls quelques milliers (et encore) des 1,3 million de XO déployés utilisent Windows. Les autres bénéficient du support d’un nombre de volontaires qui a parfois dépassé les 3000. Les endroits éloignés comme l’Afghanistan ont un contingent très robuste de volontaires.
Les déploiements de l’été 2009 ont impliqué environ 100 volontaires qui ont distribué des XOs dans 19 pays d’Afrique et deux pays d’Amérique du Sud. Ils sont resté en moyenne 10 semaines dont une semaine de formation avec le groupe africain à Kigali, au Rwanda. L’idée pour l’association olpc (en minuscule) était de répandre l’idée d’une approche plus grassroot que les méthodes « top-down » utilisées exclusivement jusque-là.
Des professionnels – principalement des juristes, des communicants ou des publicitaires créatifs – contribuent pro bono à OLPC depuis sa création. Ce que ces professionnels ont en commun ce n’est pas de nous épargner des coûts gratuitement, mais d’être dans chaque cas les meilleurs de leur catégorie, bien meilleurs que ceux que l’on pourrait d’ordinaire se payer. Cherchez « Larry Weber » sur Google et vous verrez pourquoi OLPC a été sur « 60 minutes ». [NDLR: voir la vidéo sur cbsnews.com]
BG: Selon mon expérience, les fans du projet OLPC sont d’abord attiré par le XO et les aspects technologiques du projet. Ils veulent jouer avec le matériel et développer des logiciels. Mais le projet OLPC est un projet éducatif. Que pouvons nous faire pour aider les communautés à atteindre plus d’enseignants et à travailler avec eux pour faire du XO le meilleur outil pour de nouvelles opportunités éducatives ?
NN: Il y a deux méthodes :
La première survient spontanément avec les jeunes enseignants quand ils trouvent la technologie attirante et qu’ils apprécient cette connectivité qu’ils n’auraient pas autrement. C’est particulièrement vrai dans les endroits éloignés et ruraux où les jeunes enseignants ne souhaiteraient pas être sinon.
Il y a aussi l’approche « Cheval de Troie » où le XO est simplement offert comme liseuse. Les enseignants n’ont alors pas besoin d’adopter des moyens numériques avancés ou de devenir des experts en multimédia. Les programmes scolaires n’ont pas besoin de changer (dans l’immédiat). Mais à la place de cela, les enfants « sortent la nuit », pour ainsi dire, et utilisent entre eux le XO comme un ordinateur.
BG: Avoir la capacité de disposer de petites quantités de XO via le Contributor Program est très important pour propager le XO et son modèle éducatif partout dans le monde. Est-ce que vous prévoyez d’étendre ce programme et de distribuer plus de « petites quantités » de XO ?
Les petites quantités sont difficiles à gérer pour la logistique, la support et pour démontrer le bien-fondé du projet, ce qui est le plus important. Donner des machines aux développeurs c’est autre chose et cela bien sûr doit être augmenté.
Répondre simplement à la demande, livrer des petits lots et gérer le support de plusieurs petits déploiements est typiquement le travail des forces de ventes d’une entreprise et c’est la manière de faire grossir une petite entreprise. Mais le plus grand enjeu est de démontrer le bien-fondé du projet. OLPC est son nom – One Laptop Per Child – et ce projet intègre un principe fondamental : la saturation. Comme pour un programme de vaccination, vous ne pouvez pas simplement inoculer le vaccin à quelques enfants. Vous devez vacciner tout le monde. Pour cette raison, cela n’a vraiment pas de sens de déployer 30 ou même 100 ordinateurs. Pire, quand il y en a si peu, les gens ont tendance à ne pas laisser les enfants emporter les ordinateurs chez eux. Plus grave encore, les gens l’utilisent en « laboratoires » de 5 à 15 enfants ne partageant qu’un seul ordinateur.
Dans quelques uns de ces cas, les gens évaluent le programme OLPC et disent qu’il ne marche pas. Bien sûr, les « laboratoires » d’informatique ne fonctionnent pas, à part pour apprendre l’informatique. Nous le savons. C’est comme de vacciner dix enfants pour voir si la vaccination fonctionne. Pensez au projet OLPC comme un vaccin contre l’absence d’éducation.
BG: Vous avez annoncé récemment que le projet OLPC serait dédoublé : la Fondation OLPC (qui s’occupera développement de nouveaux concepts pour le XO) et l’association olpc (qui va gérer la production et les déploiements). Cela aura t-il un impact sur le travail des volontaires ?
NN: Les deux entités auront des volontaires. Ceux intéressés par les déploiements et l’apprentissage travailleront avec l’association. Ceux intéressés par la communication, l’ingénierie et la gestion de l’humanitaire travailleront avec la Fondation. Le nombre de volontaires total de ces deux entités devrait augmenter considérablement.
BG: Un nouveau G1G1 à l’horizon ?
NN: Pas de manière centralisée, peut-être qu’un pays ou deux le feront. Cela avait un sens il y a deux ans quand les netbooks n’existaient pas, quand la curiosité était là et que l’idée était nouvelle. L’année dernière cela n’a pas réussi en partie à cause de la situation économique et en partie à cause de ces autres raisons.
La génération 3.0 du XO sera suffisamment disruptive et et innovante pour revisiter cette idée en 2012.
Traduction: Lionel Laské – lire l’interview originale en anglais.