Un concours national de court-métrages adressé à des enfants en âge scolaire, cela a de quoi surprendre ! C’est pourtant ce qui est organisé actuellement, à l’échelle d’un pays, en Uruguay. Ce concours intitulé ANIMATE propose en effet de créer des court-métrages animés aux enfants qui souhaitent y participer. Ceux-ci concourent dans l’une des trois catégories prévues, jusqu’à l’âge de 12 ans, en envoyant à l’aide d’un petit formulaire l’animation qu’ils auront créée, à partir de la plate-forme d’apprentissage Sugar sur leur ordinateur XO, à l’aide des activités « sugarisées » Scratch ou Etoys.
Surprenant ?
Comment cela est-il possible ? Les organisateurs sont la société privée Efecto Cine et le « Plan CEIBAL« , l’organisme public mis en place en 2007 et chargé de mettre en oeuvre le programme d’inclusion numérique Plan Ceibal en vue de réduire le fossé numérique par rapport aux autres pays et entre les habitants du pays, afin de faciliter l’accès à l’éducation et à la culture.
La lecture des détails du concours nous apprend que la thématique retenue est « De la maison à l’école » et que l’intention est de favoriser la création audiovisuelle en s’appuyant sur la connaissance des nouvelles technologies. Les animations, qui pourront faire appel à des éléments multimédias – chansons, musique, images – de préférence originaux, ou sous licence Creative Commons, auront une durée de 30 secondes à 2 minutes.
N’est-il pas paradoxal de demander à des enfants d’utiliser des langages de programmation comme Scratch ou Etoys ?
- Scratch est un langage de programmation développé par le Lifelong Kindergarten Group au sein du Media Lab du MIT (qui organise, par ailleurs un « Scratch Day« , le 22 mai 2010) et permettant de créer de manière interactive des histoires, des animations, des jeux, de la musique et des images et de partager ces créations sur le Web.
- Etoys est un outil auteur multimédia et de programmation visuelle, hérité de Squeak.
Dans ces conditions, il apparaît que ces deux outils ont bien été conçus pour les enfants et qu’ils sont bien à leur portée, au moins en théorie. Dans la pratique, il semble difficile d’envisager un tel concours dans nos pays développés où le mieux que l’on puisse envisager, dans le cadre d’un concours analogue (voir, pour la France, le « Programme prévisionnel des actions éducatives 2009-2010« , paru au Bulletin officiel n° 31 du 27 août 2009), serait de demander aux participants de réaliser sur papier (donc « comme au bon vieux temps ») des dessins sur un thème donné et de les envoyer par voie postale aux organisateurs. Comment donc ce qui est impensable ici est-il faisable en Uruguay ? Et qui est désormais du « bon » côté du fossé numérique ?
L’inclusion numérique en action
Pour qu’un tel concours soit envisageable, il apparaît nécessaire qu’il soit réalisé dans un contexte favorable ! C’est l’impression qui se dégage des observations que nous pouvons faire :
- Une politique coordonnée d’alphabétisation numérique, à destination des élèves de l’enseignement primaire des établissements publics et – dans une moindre mesure – privés, avec le Plan CEIBAL.
- Un programme diversifié de formation des enseignants, selon différentes modalités (tutoriaux, formations présentielles, à distance, de niveau débutant et avancé), organisées par les différents « RAP Ceibal« , le réseau de soutien au Plan Ceibal, les centres de technologie éducative (ou CTE), par exemple le Centro de Tecnología Educativa de Tacuarembó), etc.
- Des activités en classe faisant appel à ces outils didactiques, comme les propositions d’activités avec le XO, élaborées par des enseignantes de Canelones (voir Variations telluriques à Canelones). Des animations réalisées avec Scratch par les élèves de Bella Unión illustrent par ailleurs ce que l’on peut s’attendre à voir.
- Des actions incitatives, comme ce concours, ou d’autres concours réalisés avant (concours d’idées pour des contenus éducatifs, concours « Sonrisas saludables », concours de photographies) et après (concours de contes) celui-ci.
La planète Scratch
La promesse selon laquelle le projet CEIBAL donnerait aux élèves du pays des perspectives de réduction du fossé numérique et d’inclusion numérique n’est pas vaine, puisqu’ils sont désormais en mesure d’échanger d’égal à égal avec les jeunes créateurs Scratch appartenant à une communauté internationale à laquelle on doit déjà près d’un million de projets (projets Scratch) de par le monde.
Quant à l’environnement Etoys, il n’est pas en reste puisque l’on trouve également de nombreux projets, comme ceux recueillis par EtoysIllinois.
Par ailleurs, la créativité ne se limite pas à la programmation d’animations, puisque l’on peut utiliser des périphériques matériels, tels que la carte PicoBoard, pour des tâches plus « hardware ».
Et pour nous ?
Pour nous qui pensions être du « bon » côté de la fracture numérique, il y a là de quoi se réconcilier avec la programmation, si l’on en croit l’article « Scratch: un langage de programmation interdit aux grands » car tout cela ne vaut certainement pas que pour les élèves uruguayens ! A bon entendeur, « Scratch the planet » ! Aurons-nous la chance d’assister ici aussi à une telle profusion de créativité ? Plus proche de chez nous, peut-être le salon Intertice, sur les usages pédagogiques du numérique, sera-t-il l’occasion de découvrir des choses intéressantes dans ce domaine ? Il n’est pas interdit d’espérer !