Le 8 septembre dernier, Sean Daly et moi avons eu la chance de pouvoir présenter l’association OLPC France et la plate-forme pédagogique libre Sugar à un parterre d’une centaine d’élèves de l’École Nationale Supérieure de Création Industrielle (podcast).
Un grand merci à Marie Coirié qui, après avoir vécu le démontage (et remontage !) d’un XO au /tmp/lab s’est passionnée pour cette machine et le projet OLPC, et a beaucoup travaillé pour préparer cette conférence. Et un autre merci à Sean de s’être mobilisé à la dernière minute et d’avoir apporté des XOs en renfort !
J’ai axé la présentation sur quatre « O »: les robots, les Lego, le Logo et le XO.
Le film Robots ou la parabole du Do It Yourself
Les robots sont un peu partout : le Golem, Ulysse 31, Jayce et les Conquérants, Luke Skywalker et D2-R2, Mittérand et Jacques Attali… l’idée d’un « robot personnel » a existé bien avant celle de l’ordinateur personnel. Dans le pire des cas, les robots échappent à notre contrôle, ils deviennent méchants et cherchent à remplacer l’humanité, tels les replicants dans Bladerunner. Dans le meilleur des cas, ils restent à notre service, ils nous aident et sont tellement gentils qu’ils s’aident parfois entre eux.
Voici le scénario du film Robots : les robots disparaissent parce qu’ils sont peu à peu décrétés obsolètes, mais un robot malin et courageux fait de la résistance en réparant les autres robots et en inventant des solutions ad hoc à leurs problèmes. Ce hacker va finir par aller chercher son idole, l’inventeur de génie Bigweld, pour le convaincre qu’il faut retrouver le goût du bricolage plutôt que se soumettre aux ordres d’une organisation qui cherche à imposer ses mises à jour. (Bigweld ? Bill Gates ?) Pas besoin d’être Roland Barthes pour y voir une parabole mettant en scène les idées du Do It Yourself et de l’open source en général.
Les robots sont des machines pour moitié automates, pour moitié outils de l’homme. Devenus plus performants et surtout connectés, les ordinateurs ressemblent de plus en plus à des robots : ils automatisent de plus nombreuses tâches, et nous leur en déléguons de plus en plus.
Le grand combat du logiciel libre est de permettre à tout homme de se rendre réellement maître et possesseur de ces nouveaux automates, et à toute la communauté du libre de construire une écologie technique (une « technosphère » ?) dans laquelle la liberté de l’homme passe par la libre exploration et exploitation des machines.
Le Lego et les principes d’OLPC
Les principes d’OLPC sont les suivants : le XO doit appartenir à l’enfant ; cet enfant peut être très jeune ; plus il y a de XOs dans l’environnement des enfants plus leur présence aura d’effet, et ce d’autant plus que les XOs seront connectés entre eux — enfin, les XOs doivent être open source, tant au niveau du matériel que du logiciel.
Bon. Et si tout cela était déjà valable pour les Lego? Quand je cherche dans mes souvenirs, je trouve cela : les Lego m’appartenaient ; j’ai joué aux Lego dès le plus jeune âge ; plus j’avais de Lego plus je me sentais capable d’inventer de nouvelles choses. La « connectivité » est elle aussi au coeur des Lego, soit parce que le but est justement de connecter des pièces entre elles, soit parce que le Lego peut servir de support pour des constructions collectives – ce qui devient de plus en plus vrai avec les nouveaux Lego, la possibilité de les programmer et de partager ces programmes sur Internet.
Un aspect important du Lego : chaque enfant commence avec une démarche « top-down », il suit les instructions d’un manuel pour aboutir au modèle (qui porte son nom très à propos). Mais peu à peu, l’enfant joue et se libère des instructions, il invente des Legos, des constructions originale, de manière plus « bottom-up », pour ainsi dire.
Le Lego ne porte pas plus vers l’une ou l’autre des démarches, les enfants sont libres de passer de l’une à l’autre comme ils veulent, alors que les playmobiles, figés dans l’imitation du monde qui nous entourent, ne sont qu’une autre manière de jouer à la poupée (no offense !)
Logo et le constructionisme
Le Logo est un langage de programmation qui a spécifiquement été mis au point par Seyour Papert pour servir d’outil aux enfants et mettre en application les principes du constructionisme, eux-mêmes inspirés par le constructivisme piagétien.
Comme les Lego, le Logo a été conçu pour faciliter l’interaction pédagogique avec un ordinateur. L’enfant construit l’objet qu’il va manipuler : grâce à des enchaînements de commandes, il traces des figures, organise des mouvements. L’environnement incite à une exploration réflexive, un va-et-vient entre la définition des mouvements et leur apparition à l’écran, va-et-vient qui fait que l’enfant comprend ce qu’il fait, et tente de faire au-delà de ce qu’il comprend.
Aujourd’hui, la descendance spirituelle du Logo est très riche : les activités Turtle Art, Scratch et Etoys reposent sur les mêmes principes pédagogiques. Et ces descendants ne sont plus seulement exploratoires et réflexifs, il sont de plus en plus collaboratifs : les enfants peuvent partagers les objets Turtle Art via les XOs, partager leurs animations Scratch (notamment via http://scratch.mit.edu), etc.
OLPC, Sugar et le XO : la suite logique
J’espère que j’ai réussi à vous convaincre des airs de famille que l’on
trouve entre ces quatre « O » : le XO est un robot personnel qui permet à l’enfant d’apprendre comment se rendre librement maître et possesseur de la technologie et, à travers elle, de toutes les disciplines qui se prêtent à un enseignement numérique.
Comme le dit Walter Bender, fondateur de Sugar Labs : « La liberté est essentielle au fait d’apprendre, comme le fait d’apprendre est essentiel à la liberté. » Et au milieu de tout cela, il y a vous, la communauté, qui s’empare librement de ces outils, les triture, les démonte, en explore les recoins, en exploite les possibilités. Le plus excitant étant que, pour une fois, adultes et enfants partagent le même terrain de jeu !