Sugar : mauvaise presse et mise au point

Sugar on a stick vient de sortir. Cette version portable de Sugar est annoncée et testée un peu partout, permettant à chacun de se rendre compte du potentiel de ce nouvel environnement pour l’éducation.

Hier, Sugar a eu mauvaise presse, comme on peut le constater , et (ce dernier lien pointant vers l’article anglais d’où le buzz est parti.)

Paradoxalement, cette image négative provient de Nicholas Negroponte, fondateur d’OLPC, et qui a lui-même décidé de développer une interface pédagogique propre au XO, cette mission étant confiée au sein d’OLPC à Walter Bender.

Cette critique est doublement néfaste: (1) elle donne du grain à moudre à ceux qui fustigent la fondation pour s’être rapprochée de Microsoft et éloignée du logiciel libre et (2) elle donne une fausse image de ce qu’est Sugar.

Mais la critique a elle-même été largement déformée par les médias… pour s’y retrouver, voici une petite mise au point.

Courage !  Il suffit juste de savoir où l'on va.

Courage ! Il suffit juste de savoir où l'on va.

Mise au point n°1: OLPC ne travaille pas avec Microsoft

Le reproche principal que l’on fait à OLPC est d’avoir été « racheté » par Microsoft. Or ce qui s’est passé est bien différent. En bref :

  • Microsoft a travaillé dans son coin pour pouvoir faire tourner une version de Windows XP sur le XO, la machine développée par OLPC. Cette machine a de nombreuses particularités matérielles, et adapter Windows XP a requis beaucoup de travail de la part de Microsoft.
  • Ne voulant pas que Microsoft puisse remplacer le système libre installé sur les XOs, N. Negroponte a demandé à son équipe de faire en sorte que le XO supporte le dual-boot Windows XP/Sugar. C’est très bien expliqué par Mitch Bradley dans ce mail.
  • L’accord entre OLPC et Microsoft était une simple officialisation de cette possibilité, dont certains pays étaient demandeurs.
  • La réalité du terrain aujourd’hui c’est que quasiment aucun pays n’utilise Windows XP avec le XO. Oui, Microsoft a fait un don de 7000 XO en dual boot Sugar/WinXP à l’Uruguay, mais le reste des quelques 900 000 XO actuellement utilisés dans le monde tourne sous Sugar. Les enfants travaillent avec Sugar, les enseignants développent des cursus et des contenus pédagogiques avec Sugar, la communauté se l’approprie, etc.

Donc non, OLPC n’a pas été racheté par Microsoft. Et plus la communauté du libre fera avancer Sugar, plus le pari d’OLPC aura été le bon.

#2: Sugar n’est pas un système d’exploitation

Sugar n’est pas un système d’exploitation, mais un environnement à la Gnome ou KDE. Ce qui signifie qu’il est à la fois un gestionnaire de fenêtres et un ensemble de bibliothèques permettant de programmer des activités.

Sugar fonctionne avec le système d’exploitation GNU/Linux.

Durant les premières années de développement, l’effort d’OLPC a porté d’une part sur l’adaptation d’une distribution GNU/Linux (en l’occurrence Fedora) pour qu’elle fonctionne avec le XO, d’autre part sur Sugar.

Comme les deux développements se faisaient de manière cohérente, Sugar est devenu de facto le nom de l’interface du XO comprise comme un tout, et cette différence entre le système d’exploitation et l’environnement utilisateur est passée à la trappe.

Mais elle existe toujours – voire de plus en plus. Aujourd’hui, vous pouvez installer Sugar sur Fedora, Debian, Ubuntu, etc. Et vous lancez Sugar comme vous lancez Gnome ou KDE.

(Ce point est rappelé par Walter Bender dans le dernier Sugar Digest.)

#3: Qu’est-ce que critique N. Negroponte sous le nom de Sugar?

Pourquoi est-il important de comprendre ce qu’est Sugar ?

Parce que sans cela, on ne comprend pas la critique faite par N. Negroponte, ni en quoi elle pourait être juste ou injuste.

Quand N. Negroponte critique Sugar, il ne critique pas l’environnement utilisateur lui-même, il critique le fait d’avoir voulu développer tout depuis zéro et de manière monolithique. Il semble regretter de ne pas s’être appuyé sur une distribution GNU/Linux particulière et de ne pas avoir développé Sugar comme une application indépendante

Mais critique-t-il les efforts qui ont été faits sur Fedora pour que cette distribution marche avec le XO ?  Ou bien les efforts faits sur Sugar pour que cet environnement tire le meilleur parti des possibilités matérielles du XO (comme celle de mettre les ordinateurs en réseau maillé sans passer par internet, par exemple) ?

Difficile de savoir. (Lire ici et ici pour la controverse.)

Ce qui est sûr c’est qu’il ne critique pas l’actuel Sugar puisque Sugar est désormais une application indépendante, installable sous GNU/Linux comme n’importe quelle autre application.

Oui, Sugar est nouveau…

Alan Kay dit qu’il y a d’un côté les nouvelles (les « news ») et de l’autre la nouveauté (le « new »). Les nouvelles, contrairement à ce que leur nom indique, sont les faits et opinions accumulés et attendus. Mais le nouveau, lui, n’est pas prévisible. Même lorsqu’il est là, il est difficile de le voir. Le nouveau génère rarement des nouvelles.

Nous espérons que des journalistes vont bientôt se pencher sur ce que Sugar a de nouveau, plutôt que sur les opinions des uns et des autres, même (et surtout) quand il s’agit des opinions du fondateur d’OLPC.

Sugar a mauvaise presse : espérons qu’une presse meilleure s’empare bientôt de lui !

Mise à jour, 23 juillet : voici un article de Ivan Kristic sur la question, pour enfoncer encore le clou. Au sujet de la distribution des efforts entre le système et l’interface utilisateur: « Si Sugar n’avait pas existé du tout, nous aurions quand même eu à faire le travail sur le système pour qu’il marche avec le XO, et cela aurait pris autant de temps. » (« If Sugar hadn’t happened at all, we would have still had to do all the systems work to get Linux working on the XO, and it would have still taken just as long« )

Mise à jour, 27 juillet : la mise au point d’Ivan Kristic vient d’être slashdottée…