Les premiers résultats d’appropriation du XO à Saint-Denis

Comment les enseignants et les enfants s’approprient-ils les XOs en classe à l’école primaire ? C’est ce que nous présente Sandra dans ce billet et dans un rapport d’étude à télécharger. Résumé des premiers résultats des travaux menés à Saint-Denis (Ile-de-France).

Le projet OLPC a soutenu de nombreux programmes de déploiement à travers le monde. Les évaluations réalisées sur les programmes (Hirji et al., 2010 ; Nugroho & Lonsdale, 2010) montrent notamment que les enseignants et l’entourage de l’enfant ont un rôle à jouer pour favoriser le développement d’usages autonomes et créatifs des XOs (Warschauer & Ames, 2010) et pour assurer la réussite du projet (Nugroho & Lonsdale, 2010). Comme le rappellent Yarosh et al. (2011), ”an entire social ecology needs to be in place for the child to successfully learn and connect”. Or peu d’études ont été menées sur la façon dont l’entourage des enfants, et en particulier les enseignants s’approprient les XOs.

L’objectif de notre recherche est d’analyser le processus d’appropriation du XO en situation scolaire dans une perspective longitudinale en étudiant la façon dont son introduction fait évoluer les formes d’apprentissage, mais aussi la façon dont il est ajusté par rapport à l’activité des utilisateurs en mobilisant la théorie instrumentale (Rabardel, 1995).

Pour des raisons pratiques, une première étude a été conduite en France, à travers la mise en place d’un déploiement en région parisienne dans une école appartenant à un réseau éducation prioritaire. Quatre enseignants, tous volontaires, et leur classe (CE2, CM1, CM2) ont participé au projet. Pendant 10 semaines, de mars à juin 2012, nous avons observé les séances dans lesquelles le XO était utilisé et nous les avons comparé à des situations de référence afin de mettre en évidence le début du processus d’appropriation.

Résultats

Nous avons constaté que trois enseignants utilisaient les XOs environ une fois par semaine, le quatrième enseignant l’utilisait deux fois par semaine. Les activités les plus utilisées portent sur le domaine des mathématiques : un jeu sérieux, Tuxmath, dédié au calcul mental, un logiciel de géométrie dynamique Dr Geo et un logiciel de programmation, Turtle Art, utilisé pour construire des figures géométriques.

Les ordinateurs sont également utilisés en litéracie pour réaliser de la production d’écrit en collaboration (écrire), pour rédiger un journal des apprentissages, ou plus rarement, pour faire de la recherche d’informations.
Les pratiques observées s’inscrivaient dans la continuité des pratiques habituelles : les enseignants utilisaient les XOs pour réaliser des activités habituellement réalisées en classe en utilisant des applications qui leur paraissaient familières. L’introduction du XO dans ces séances visaient à proposer des activités plus individualisées, adaptées à chacun, à développer l’autonomie des élèves, à favoriser la collaboration, et à supprimer les difficultés liées à la maîtrise des instruments en géométrie, ou la maîtrise de la graphie (formation des lettres) pour les activités de production d’écrit.

Si les activités proposées s’inscrivaient dans la continuité des pratiques existantes, l’introduction des XOs en classe n’a pas moins provoqué de réelles transformations de l’activité des enseignants et des enfants. Pour l’enseignant, nous avons observé un allongement de la préparation des séances et du temps de préparation de la classe, une évolution de l’organisation des séances (allongement de la durée des séances, individualisation du travail, disparition des temps de partage, d’échanges sur l’activité réalisée), et une disparition des traces écrites ou du réinvestissement du travail réalisé avec le XO.
Du point de vue des élèves, nous avons observé un effet sur la motivation et l’implication des élèves dans les activités d’apprentissage, un effet sur la collaboration entre élèves et des transformations de leur activité d’apprentissage.
Nous avons également observé que le XO ne se substitue pas à l’ensemble des ressources jusque-là utilisées pour réaliser l’activité, mais qu’il s’intègre au système d’instrument existant. Néanmoins, cette substitution transforme en profondeur l’organisation de l’activité des enfants et de l’enseignant. Du point de vue de l’élève le XO et les activités à disposition sont adaptées pour favoriser l’autonomie des enfants, mais du point de vue de l’enseignant, les XOs ne remplissent pas toutes les fonctions nécessaires pour concilier les différentes facettes de son activité : créer les conditions favorables à un en autonomie des enfants, réaliser un suivi personnalisé de leur progression et une orchestration de tous les apprenants dans la classe (Trouche, 2004). Sur ce dernier point, nous avons vu que les enseignants pouvaient avoir des difficultés à orchestrer l’activité de l’ensemble des enfants, et que certains ont développé des outils dans ce but.

Les résultats présentés ici ne correspondent qu’aux 10 premières semaines d’utilisation des XOs en classe. Or le processus d’appropriation se met en place dans la durée (plusieurs mois, voire plus). C’est pourquoi nous poursuivons actuellement cette étude dans la même école afin d’analyser le processus d’appropriation dans la durée.
Un rapport plus complet sur cette étude est disponible ici. Celui-ci présente d’abord ce qu’on sait à l’heure actuelle sur les usages des XOs par les enfants et leur entourage puis une analyse détaillée de la façon dont l’introduction de ces ordinateurs en classe transforme l’activité de l’enseignant et des enfants.

Partenaires du projet

Ce projet est réalisé par Sandra Nogry MCF en Pyschologie des apprentissages (laboratoire Paragraphe, Université Cergy-Pontoise) et Françoise Decortis, Professeure en ergonomie, (Equipe C3U, Laboratoire Paragraphe, Université paris 8).
Il est financé par l’Université Paris 8 dans le cadre du programme d’aide à la recherche innovante (PARI) « ergonomie pour l’enfant » en partenariat avec l’association OLPC France et le soutien de la fondation Lyoness Child and Family.
Pour toute information complémentaire vous pouvez contacter Sandra Nogry : sandra.nogry [at] u-cergy.fr